Panorama 18e siècle

Patrick AULNAS

0. Panorama du 18e siècle 
1. Le rococo (≈ 1700-1785)
2. Le portrait (≈ 1700-1820)
3. Nature morte et scène de genre
4. Les artistes du Grand Tour (≈ 1700-1820)
5. Le néo-classicisme (≈ 1760-1830)

 

 0. Panorama du 18e siècle

 

Boucher. Portrait de la Marquise de Pompadour, 1756

François Boucher. Portrait de la Marquise de Pompadour, 1756

 

Le siècle des Lumières est d’abord celui des philosophes. Mais il est également très riche dans le domaine de la peinture, sans faire naître cependant des personnalités de la dimension de Michel-Ange, Vinci, Rembrandt, Rubens ou Vermeer. Rien n’interdit évidemment d’avoir un penchant pour Watteau ou Boucher que l’on ne ressentirait pas pour Rembrandt.

Le siècle des idées et de l'émotion

Le 17e siècle avait consolidé les acquis de l'art de la Renaissance pour les mettre au service des pouvoirs. Le classicisme français est l'art de la monarchie absolue de Louis XIV (1638-1715), la peinture du siècle d'or hollandais représente le goût de la riche bourgeoisie d'affaires des Pays-Bas, l'art baroque naissant s'appuie sur la volonté de l'Église catholique d'endiguer la montée du protestantisme.

La caractéristique dominante du 18e siècle est la naissance de la liberté individuelle. Le pouvoir, glorifié au siècle précédent, est désormais contesté par les philosophes. Montesquieu énonce le principe de la séparation des pouvoirs destiné à contrecarrer l'absolutisme. Voltaire est l'ami des monarques éclairés et combat toutes les injustices. Rousseau remet en cause le fondement même du pouvoir politique dans Du contrat social (1762). Ce n'est pas Dieu qui accorde le pouvoir à un roi mais la Volonté générale, c'est-à-dire la volonté collective de l'ensemble de la population. En Allemagne, le philosophe Emmanuel Kant apporte une contribution essentielle à la réflexion philosophique. Il définit ce que le 18e siècle appelle les Lumières : « Les Lumières se définissent comme la sortie de l'homme hors de l'état de minorité où il se maintient par sa propre faute. » L'homme, désormais adulte, doit donc agir avec discernement, s'appuyer sur la réflexion et ne plus se laisser abuser par les pouvoirs et les préjugés.

Ce bouillonnement philosophique s'accompagne de la valorisation de l'émotion individuelle. Rousseau, avec Les Confessions (1782), crée l'archétype du récit autobiographique dans lequel l'évocation des sentiments et de la vie amoureuse tient une place essentielle. Nous avons des sentiments avant d'avoir des idées. Pourquoi faudrait-il les taire ? Le 18e siècle découvre ainsi l'importance de l'émotivité et de la psychologie chez l'être humain, sans employer bien entendu cette terminologie, mais en ayant une claire conscience d'avoir franchi un pas important.

L'émancipation de la peinture

Depuis le Moyen Âge, la peinture se voit assigner par l'Église et le pouvoir politique la tâche de glorifier les croyances religieuses et les exploits militaires ou politiques des souverains. Le 18e siècle marque à cet égard une émancipation. La peinture mythologique ou religieuse et la peinture d'histoire restent encore le sommet de la hiérarchie académique, mais le portrait, les scènes de genre, les natures mortes prennent de l'importance.

Certains des plus grands peintres du siècle sont des portraitistes (Maurice Quentin de La Tour, Elisabeth Vigée-Lebrun, Thomas Gainsborough) ou des spécialistes de la scène de genre et de la nature morte (Chardin, Greuze). Le siècle commence d'ailleurs par la reconnaissance, en 1717, par l'Académie de peinture et de sculpture, d'un genre nouveau : la fête galante. Il s'agissait de recevoir comme académicien Antoine Watteau qui venait de peindre un chef-d'œuvre, Le pèlerinage à l'île de Cythère, impossible à classer dans les genres académiques existants. Nul doute que sous le règne de Louis XIV, pareille transgression n'aurait pu être admise. La fête galante est justement la représentation de jeux amoureux dans les parcs ou jardins des demeures aristocratiques de l'époque. Le siècle commence sur le registre de la légèreté mais il finira, avec le néo-classicisme, sur celui de l'austérité.

Le 18e siècle occidental comporte quatre grands courants picturaux : le rococo, le Grand Tour, le néo-classicisme et le romantisme. Mais ce dernier courant, qui prend naissance à la fin du 18e siècle, s’épanouit au 19e (voir notre page : Le Romantisme).

Des progrès sont réalisés dans le domaine des couleurs et le commerce des pigments s'internationalise.

L’Académie royale de peinture et de sculpture

Fondée en 1648 sous la régence d’Anne d’Autriche, l’Académie n’eut un rôle important qu’à partir de 1663 lorsque Colbert décida d’imposer le dirigisme dans le domaine de l’art. Charles Le Brun (1619-1690), premier peintre de la cour de Louis XIV, en fut nommé directeur. Le rôle de l’Académie était double : la régulation de la production artistique par la définition de règles de l’Art et du bon goût, l’enseignement de la peinture et de la sculpture.

Le Brun établit un ensemble de règles d’une grande sévérité qui constituèrent jusqu’à la fin du 19e siècle un référentiel officiel d’évaluation. Une grande partie de la doctrine de Le Brun est empruntée aux conceptions de Nicolas Poussin (1594-1665) avec une dérive vers un pseudo-rationalisme particulièrement étouffant. Il existait une méthode de classification chiffrée des artistes du passé qui plaçait les Anciens d’abord, puis Raphaël et son école, puis Poussin. Les Vénitiens, les Flamands et les Hollandais venaient après car ils accordaient trop d’importance à la couleur et insuffisamment au dessin.

Les genres furent également soigneusement hiérarchisés : au sommet, la peinture historique comprenant également les sujets religieux ou mythologiques, ensuite le portrait et le paysage, enfin la nature morte et la scène de genre (scènes de la vie quotidienne ou représentation d’une anecdote). La rigueur de la doctrine officielle était en fait un carcan incompatible avec la créativité artistique. Dès que l’autorité de Le Brun commença à décliner, des factions antagonistes se constituèrent à propos de la supériorité du dessin sur la couleur. Pour Poussin, le dessin, production de l’esprit, est supérieur à la couleur, inspirée par les sens. Les « rubénistes » (de Rubens), défenseurs de la couleur, s’opposaient ainsi aux « poussinistes », défenseurs du dessin et des règles académiques. A la fin du règne de Louis XIV (1715), les rubénistes avaient gagné la partie et l’influence de Rubens et des Vénitiens devenait prédominante.

 
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Principales sources.

- Histoire de l'Art par H. W. Janson, Eclectis Cercle d'Art, Paris 1993.

- Tout sur L'Art, Flammarion, Paris 2010.

- Encyclopedia Universalis, 20 volumes, Paris 1975.

- http://www.larousse.fr/encyclopedie

- Wikipedia

Les photos des oeuvres proviennent d'Internet et sont libres de droits.

Commentaires

  • AZUR BATI
    Cet article offre une fascinante perspective sur le rôle de la peinture au cours du siècle des Lumières. Alors que cette époque est souvent associée aux avancées philosophiques et aux idées révolutionnaires, il est tout aussi important de reconnaître l'évolution de l'art pendant cette période.
  • Janczak
    • 2. Janczak Le 25/08/2023
    La clarté du texte et sa qualité s'ajoutent à la concision rendant la lecture très agréable et riche. Grand merci
  • charlotte
    • 3. charlotte Le 13/12/2018
    6 ans après vos derniers commentaires, merci à vous pour votre travail qui me permet d'y voir plus clair et de me faire une idée générale de chaque période, c'est très utile pour mes études.
  • ringcross5
    • 4. ringcross5 Le 16/10/2012
    Un article très complet et agréable à lire.
    Je prépare actuellement un dossier sur la peinture au 18ème, et plusieurs éléments recherchés sur d'autres sites m'apparaissent maintenant plus clair.
    Merci beaucoup, c'est un travail admirable. =)
  • Tina Malet
    Ces pages sur la peinture sont délicieuses à lire et à voir ! Merci bien franchement.
    • rivagedeboheme
      • rivagedebohemeLe 17/07/2012
      Merci pour votre commentaire. Créer ces pages est une occupation enrichissante pour moi. J’apprends beaucoup, même le jargon parfois (pas toujours) un peu ridicule des spécialistes de l’histoire de l’art. Et comme elles sont assez consultées, je continue à remonter le temps (j’en suis au 17e siècle). Le paradoxe est que je connais beaucoup mieux le champ politico-économique, mais que ces pages-là sont peu consultées.
  • BONHOMME
    • 6. BONHOMME Le 21/05/2012
    Merci enormement pour toutes ses informations, je prépare mon Histoire des Arts (je suis en 3ème). et jevoulais juste vous remercier pour ce magnifique travaille qui m'apporte entierment satisfaction sur mon sujet.
    • rivagedeboheme
      • rivagedebohemeLe 22/05/2012
      Votre commentaire me fait d'autant plus plaisir que j'ai été moi-même enseignant. Félicitations pour votre choix de l'histoire de l'art et bon courage.
  • Tina Malet
    Les Anglais firent le Grand Tour, mais pas uniquement, les Allemands aussi : pour eux, c'était le "Kavaliertour".

    J'ignore si vous avez eu mon message concernant Fragonard.
    • rivagedeboheme
      • rivagedebohemeLe 19/04/2012
      Merci pour l'information, je l'ignorais. Les anglais, les allemands, mais pas les français... Est-ce que nous étions déjà franchouillards ?
  • Tina Malet
    J'ai lu il y a peu une bio de Fragonard où l'auteur analyse à sa manière la fameuse "Escarpolette", d'une manière bien différente de celle que vous avez jugé "calviniste" sur bon blog (pas moi, l'auteur !)
    • rivagedeboheme
      • rivagedebohemeLe 19/04/2012
      La peinture, c'est un peu comme les auberges espagnoles : on y trouve ce qu'on y apporte ! Rassurez-vous, votre excellent blog témoigne de votre distance par rapport à Calvin.

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